par Keith Morison/RPAC, Traduction par Antoine L’Estage
Au moment où la saison 2017 débutait, plusieurs Canadiens prenaient part à l’épreuve d’ouverture traditionnelle du championnat du monde des rallyes, le Rallye Monte-Carlo. Parmi eux, Antoine L’Estage, dix fois champion du CRC, était là dans un nouveau rôle, décidément loin du centre d’attention.
“J’étais ouvreur pour Gus Greensmith et Craig Parry,” a expliqué L’Estage. “Gus a montré une belle pointe de vitesse l’année dernière et il est maintenant intégré dans l’équipe M-Sport pour un programme de neuf événements en WRC2 cette année. Il est en quelque sorte un jeune espoir qui, selon M-Sport, pourrait gravir les échelons et se retrouver dans les ligues majeures.”
Soutenir un jeune pilote lors d’un événement WRC peut sembler un peu loin de son rôle habituel de pilote, le tout est survenu grâce à plusieurs contacts que L’Estage a dans ce sport. Le co-pilote de Greensmith, Craig Parry, a co-piloté pour Antoine en 2013 et 2015 au Canada et aux États-Unis. La paire est restée en contact, ce qui a permis de mettre de l’avant cette opportunité.
“[Craig] est entré en contact avec moi juste après le Rallye Big White en décembre 2017 pour me dire qu’ils voulaient faire des changements au sein de leur équipe. Il a pensé à moi grâce à l’expérience que j’ai sur la neige et la glace avec des pneus non cloutés. L’équipe était à la recherche de quelqu’un qui avait l’expérience des conditions hivernales et qui était assez expérimenté pour être en confiance avec les informations qui seraient transmises à l’équipe.”
Il ne fait aucun doute que tout événement du WRC est un grand changement par rapport à ce qu’il a connu au Canada ou aux États-Unis, mais L’Estage a dit que l’expérience était incroyable.
“Je travaillais au sein de l’équipe M Sport et faisais le même travail que des gars comme Simon Jean-Joseph – ouvreur pour Ogier – et Gwyndaf Evans – qui le fait pour son fils Elfyn.”
Bien qu’il admette avoir été un peu impressionné de côtoyer des pilotes qu’il a suivi pendant des années, son approche professionnelle a facilité les choses lorsqu’il était temps de demander de l’aide ou des conseils. “Je voulais faire du bon travail, donc je n’ai pas hésité à aller les voir et poser beaucoup de questions. Ils étaient très gentils, nous avons eu de bons échanges, nous avons passé du temps ensemble…etc C’était une superbe ambiance.”
“J’ai suivi la carrière de Simon Jean-Joseph à l’époque où il pilotait en championnat du monde. Juste d’avoir quelques conseils et astuces du gars qui fait ce travail avec Ogier depuis les cinq/six dernières années était tout simplement incroyable. Vous savez, ces gars, ils sont simples et abordables, ils sont des gars comme nous.”
“J’ai aussi parlé avec Gwyndalf Evans et une des premières choses qu’il m’a dites: “Je déteste ce travail et je te dis, tu vas le détester aussi. C’est difficile.”
La plus grande leçon que L’Estage dit avoir apprise des équipages expérimentés autour de lui était de prendre le temps de faire le travail correctement. “Il n’y a pas d’urgence, il y a beaucoup de temps. S’il faut ralentir ou s’arrêter pour corriger quelque chose avec notre copilote, il faut prendre le temps. En fait, souvent pendant que nous roulions, les gars les plus lents étaient souvent les plus expérimentés.”
La vie des ouvreurs est faite de longues journées. Souvent c’est un départ de l’hôtel dès 4h00 du matin. Un départ tôt ne signifie pas une fin de journée tôt car les équipages doivent attendre que les pilotes terminent leurs journées pour réviser les notes et s’assurer que les changements font du sens. ”
Le travail d’ouvreur est crucial pour le succès de l’équipe, mais n’est pas ce que la plupart des gens pensent. Bien que tous les ouvreurs des équipages soient des pilotes et des copilotes très expérimentés, le travail ne consiste pas à modifier les notes du pilote. ” Les pilotes feront leurs deux passages en reconnaissance et ils se concentreront sur la route et ne se soucieront pas trop de la surface”, affirme L’Estage. “Quand nous arrivons sur une spéciale, nous avons les notes, mais sans les informations en rapport aux conditions d’adhérence. Notre travail consiste à ajouter aux notes tout ce qui est différent en terme de surface. Nous ajoutons où la surface est mouillée, où il y a de la boue, où une corde aurait pu changer, où c’est glacé, où il y a de la neige, etc.”
“Il y a beaucoup de détails à ajouter, mais en même temps, il faut avoir un système où les co-pilotes puissent avoir le temps d’échanger les ajustements dans les notes. Aussi il faut garder en tête qu’il doit être possible pour le co-pilote de fournir cette information supplémentaire pendant le rallye, on ne peut pas toujours tout mettre.”
Tout comme les compétiteurs, les ouvreurs parcourent chaque spéciale à deux reprises. Le deuxième passage présente souvent des conditions complètement différentes, rendant le travail encore plus complexe. “Peut-être que la route était mouillée la première fois pour nous, et au moment où l’équipe parcoure la spéciale, elle était sèche, ou il y a de la boue partout…etc. Donc tu dois ajouter des choses et enlever des choses. Ça peut être tout un casse-tête.”
S’adapter aux notes d’un autre pilote peut être difficile, mais le copilote de L’Estage, Steve Lancaster travaille avec Gus et Craig depuis longtemps ce qui rendit la tâche plus simple. ” Steve était déjà familier avec le système de notes, donc c’était assez facile pour lui de lire celles-ci et ça m’a simplifié la tâche. C’était bien de travailler avec lui. Un gars très expérimenté qui a fait plus de 50 événements WRC à travers le monde. Il a fait un très bon travail, facilitant ainsi le miens.”
“Une autre chose qui a facilité mon travail, était d’avoir une voiture bien préparée. ” Même si le rythme des ouvreurs est plus lent, L’Estage a pu utiliser l’une des légendaires voitures de reconnaissance S60 de M-Sport. Datant du début des années 2000, les voitures Volvo sont équipées de moteur cinq cylindres turbo, à quatre roues motrices qui sont entièrement préparées avec suspension Reiger, une cage de protection complète, de vrais sièges baquets, des harnais de compétition, des odomètres de rallye ainsi qu’un intercom. ” Je sais que certaines personnes diraient que ces voitures sont vieilles et des trucs comme ça, mais pour moi, c’était juste quelque chose de spécial que de conduire une de ces voitures! Pour être honnête, de pouvoir travailler dans une bonne voiture comme ça a facilité ma tâche, c’est à toute fin pratique une voiture de rallye de type groupe N.”
L’Estage admet que l’événement était plus agréable qu’il ne le laissait entendre.” Je me suis efforcé de rester professionnel mais honnêtement, en mon for intérieur, j’étais comme une enfant”, a déclaré L’Estage.
Lorsqu’on lui a demandé quelle partie de l’événement était la plus mémorable, ce ne fut pas une surprise d’entendre ce qu’il avait à dire. “Les routes étaient incroyables, définitivement le point fort de cette expérience. Beaucoup de longues spéciales avec des changements de rythme, sections rapides suivie de sections étroites très délicates, puis traverser un petit village …etc conduire sur ces routes était un pur bonheur.”
Avec le Monte Carlo derrière nous, il semble que ce ne soit pas la dernière expérience avec M-Sport. Il y aura des occasions de travailler avec Greensmith à l’avenir, et L’Estage est optimiste quant à son retour. ‘’ Ils ont été satisfaits du travail et l’entente fut très bonne, alors nous verrons ce que le futur nous réservera.”